Annulation des élections municipales 2020 à Savigny-sur-Orge : ma réponse au moyen d’ordre public (version juriste)

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Globalement, j’ai répondu que je ne pouvais pas être défendeur parce que j’avais démissionné du Conseil municipal. Et sinon qu’aucune loi ne m’interdisait d’être défendeur et intervenant en requête. J’ai donc conclu que le moyen manquait en droit et j’ai demandé qu’il soit écarté. Ils apprécieront…

Et puis j’ai trouvé une super jurisprudence, mais qui date de 1986, qui confirme qu’un intervenant peut faire appel tout seul dès lors qu’il a un intérêt pour agir et qu’il avait la capacité de contester les élections. Donc pour la contourner, ils devront pratiquer un revirement de jurisprudence !

Pour le reste, je me suis fait plaisir en casant un certain nombre de vieilles expressions comme « il appert » (il apparaît), « nonobstant » (cependant), « interjeter appel » (faire appel), « construction prétorienne » (création jurisprudentielle), ou en infra (en dessous) et en supra (au dessus)…

Je parle aussi de branche du moyen alors que cela ne s’applique qu’au pénal.

Et j’ai même inventé une expression de « conclusions de nécessité » !

Voici la version longue de 15 pages. Je publierai vendredi ma version courte de 7 pages.

Ce n’est pas le plus pédagogique, mais j’étais trop fatigué et trop dedans pour le reprendre.


CONSEIL D’ÉTAT

SECTION DU CONTENTIEUX

RÉPONSE À UN MOYEN D’ORDRE PUBLIC

*****

POUR :

  • Monsieur Olivier VAGNEUX

APPELANT

CONTRE :

  • Le jugement no 2004102 du 16 février 2021 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la protestation de M. David FABRE ayant pour objet l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune de Savigny-sur-Orge

EN PRÉSENCE DE :

  • Monsieur Antoine CURATOLO,
  • Monsieur Jean-Marc DEFRÉMONT,
  • Monsieur Éric MEHLHORN,
  • Monsieur Alexis IZARD

DÉFENDEURS

  • Le Ministère de l’Intérieur,
  • La Commission des comptes de campagne et des financements politiques,
  • Monsieur David FABRE

 

OBSERVATEURS

Sur la requête no 453838

*****


EXPOSE

Par un courrier du 05 août 2021, la présidente de la 1ère chambre de la section du contentieux informe les parties de ce que le Conseil d’État est susceptible de : « relever d’office un moyen d’ordre public tiré de ce que M. Vagneux n’ayant pas présenté dans le délai de recours de protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées à Savigny-sur-Orge les 15 mars et 28 juin 2020, il n’était pas recevable à présenter devant le tribunal administratif de Versailles des conclusions reconventionnelles tendant aux mêmes fins en réponse à sa mise en cause par le tribunal administratif lors de l’instruction de la protestation présentée par M. Fabre. En outre, ayant été appelé à la cause par le tribunal, il ne pouvait avoir la qualité d’intervenant dans ce litige. Le Conseil d’État est susceptible d’en déduire, soit que l’appel de M. Vagneux est totalement ou partiellement irrecevable, soit que M. Vagneux n’est pas fondé à se plaindre du rejet de la protestation de M. Fabre. »

C’est à ce moyen d’ordre public que l’appelant vient répondre, de telle sorte que la Haute juridiction ne pourra finalement que l’écarter.

*****


I. RAPPEL DES FAITS

À l’issue du second tour de l’élection municipale et communautaire de Savigny-sur-Orge qui s’est tenu le 28 juin 2020, la liste « Bien Vivre à Savigny » conduite par M. Jean-Marc DEFRÉMONT a remporté l’élection en obtenant 2628 voix soit 33,92 % des suffrages exprimés. La liste « Une ambition durable pour Savigny » conduite par M. Éric MEHLHORN a obtenu 2036 voix soit 26,28 % des suffrages exprimés. La liste « Osons Savigny » conduite par M. Alexis IZARD a obtenu 1732 voix soit 22,36 % des suffrages exprimés. Enfin, la liste « Vivons Savigny Autrement » conduite par M. Olivier VAGNEUX a obtenu 1351 voix soit 17,44 % des suffrages exprimés.

Par une protestation enregistrée le 3 juillet 2020 devant le greffe du Tribunal administratif de Versailles, Monsieur David FABRE, qui a manqué de se qualifier pour le second tour de ces élections de seulement 24 voix, a demandé l’annulation des opérations électorales des 15 mars et 28 juin 2020 qui se sont déroulées à Savigny-sur-Orge.

Contre toute attente, par un jugement no 2004102 du 16 février 2021, le Tribunal administratif de Versailles a écarté l’ensemble des moyens soulevés par M. FABRE puis a rejeté la requête.

Il s’agit du jugement dont appel.

*****


II. DISCUSSION

Le moyen d’ordre public du 5 août 2021, soulevé pour déduire que l’appel de M. VAGNEUX serait irrecevable ou en tout état de cause mal fondé, se décompose en deux branches : le défaut de qualité pour agir de l’exposant (II.1) et la tardiveté des conclusions reconventionnelles d‘instance du demandeur tendant aux mêmes fins que celles du protestataire (II.2).

L’appelant entend successivement répondre à ces deux branches du moyen, de telle sorte qu’il sera nécessairement écarté par la formation de jugement.


1. De manière liminaire, la chambre soulève d’office une erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal administratif de Versailles en tant que c’est à tort que la juridiction de première instance aurait admis l’intervention en requête de M. VAGNEUX, alors que celui-ci disposait originairement du statut de défendeur.

Précisément, la présidente de la 1ère chambre écrit que :

« En outre, ayant été appelé à la cause par le tribunal, il ne pouvait avoir la qualité d’intervenant dans ce litige. »

Pour mémoire, la juridiction de premier degré a jugé que :

« Sur l’intervention de M. Vagneux :

2. M. Olivier Vagneux, qui était candidat aux élections municipales sur sa propre liste arrivée en quatrième position, a intérêt à agir à ce titre et a indiqué intervenir au soutien de la protestation de M. Fabre. Une intervention n’est cependant recevable que dans la mesure où elle vient à l’appui des conclusions et griefs soulevés par le protestataire. En l’espèce, l’intervention de M. Vagneux n’est ainsi admise qu’en tant qu’elle s’associe aux griefs soulevés par M. Fabre. Ses griefs tirés de la discordance des émargements de votants entre le premier et le second tour, de la méconnaissance des articles L. 37, L. 43, L. 50, L. 52-1, L. 52-8, L. 62, L. 97, L. 98 du code électoral ne sont donc pas recevables, de même que ses conclusions tendant à ce que M. Melhorn soit déclaré inéligible en application des articles L. 118-3 et L. 118-4 du code électoral. »

Cette erreur de droit, si elle devait être confirmée par la formation de jugement, serait de nature à entacher d’une illégalité manifeste la décision contestée ; laquelle a d’ailleurs été notifiée à l’appelant en sa qualité d’intervenant au litige.

Au besoin, elle confirme la nécessité de réformer l’article 1er du jugement, donc justifie malgré tout la recevabilité au fond de la requête d’appel de M. VAGNEUX.


2. Au surplus, l’article L. 250 du code électoral dispose que :

« Le recours au Conseil d’État contre la décision du tribunal administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées. » 

Cette notion de « partie intéressée » sera précisée en 12 en infra et la notion d’ « intérêt propre », utilisée pour qualifier cet intérêt, sera étayée en 23 en infra.

Toutefois, sans besoin d’attendre ces développements, il appert que cette erreur de droit, tenant à la qualification de la situation juridique de M. VAGNEUX, lui confère un intérêt supplémentaire à agir pour relever appel a minima de l’article 1er du jugement du Tribunal administratif par lequel son intervention a été partiellement admise.


II. 1 – Sur le moyen pris en sa branche du défaut de qualité pour agir de l’appelant

3. Dans son moyen, la Chambre relève que la qualité de défendeur, initialement reconnue à M. VAGNEUX dans l’instance par le Tribunal administratif de Versailles, fait obstacle à ce qu’il puisse ensuite agir en qualité d’intervenant en requête.

Il découle de ce qui précède que M. VAGNEUX ne serait ainsi pas fondé à contester le rejet de la protestation électorale par la voie de l’appel.

Précisément, la présidente de la 1ère chambre écrit que :

« ayant été appelé à la cause par le tribunal, il ne pouvait avoir la qualité d’intervenant dans ce litige. Le Conseil d’Etat est susceptible d’en déduire (…) que M. Vagneux n’est pas fondé à se plaindre du rejet de la protestation de M. Fabre. »


4. À titre liminaire, et en droit, l’article 5 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dispose que :

« (…) Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché. (…) »

5. En l’espèce, aucune loi, ni même aucun autre texte n’empêche un défendeur de se porter également intervenant en demande.

Il s’ensuit que cette branche du moyen n’est pas fondée en droit et qu’il devra ainsi être rejeté pour cette composante.


6. Ensuite, en droit, l’article R. 119 du code électoral dispose que :

« Dans l’un et l’autre cas, la notification est faite, dans les trois jours de l’enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l’élection est contestée qui sont avisés en même temps qu’ils ont cinq jours pour tout délai à l’effet de déposer leurs défenses au greffe (bureau central ou greffe annexe) du tribunal administratif et de faire connaître s’ils entendent ou non user du droit de présenter des observations orales. »


7. Or, si M. VAGNEUX a bien été élu au soir du 28 juin 2020, selon ce qui ressort du procès-verbal de proclamation des résultats du scrutin, celui-ci a refusé son élection et a démissionné dans la foulée du nouveau Conseil municipal de Savigny-sur-Orge avant même son installation. 

Ainsi, sa lettre de démission a été produite, transmise, acceptée et enregistrée le premier jour ouvrable suivant l’élection (Production no 16).

En conséquence, le tableau du nouveau Conseil municipal a immédiatement été modifié et mis à jour. M. VAGNEUX n’a pas été convoqué à l’installation du nouveau Conseil municipal, de telle sorte qu’il n’a jamais été installé donc siégé, pas plus qu’il n’a exercé son mandat, puisqu’il a démissionné avant le début effectif de celui-ci.


8. Par suite, c’est donc à tort que le Tribunal administratif de Versailles lui a accordé la qualité de défendeur à l’instance, alors même que M. VAGNEUX ne pouvait valablement défendre un mandat qu’il ne possédait pas ou plus.

9. Partant, la juridiction de premier degré était bien fondée à requalifier ses écritures en mémoires en intervention volontaire, sur la base de son intérêt pour agir en qualité d’électeur de la Commune mais aussi de candidat à l’élection, victime des fraudes de MM. CURATOLO, IZARD et MEHLHORN, lesquelles ont nécessairement diminué son résultat.


10. Il découle de ce qui précède que M. VAGNEUX pouvait valablement participer à l’instance en qualité d’intervenant en demande, tant paré de cette seule qualité, que même de la double qualité cumulée de défendeur et d’intervenant en demande ; étant en outre rappelé qu’un intervenant peut emprunter des conclusions en demande et en défense (voir en ce sens l’arrêt de section du Conseil d’État du 6 novembre 1959, Dame POMAR, 32813).


11. Enfin, en droit, l’article L. 250 du code électoral dispose que :

« Le recours au Conseil d’État contre la décision du tribunal administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées. »


12. La jurisprudence du Conseil d’État a précisé la notion de « partie intéressée ».

Se trouve ainsi dans la situation dite de « partie intéressée » un intervenant de première instance qui a connu tant le rejet de son intervention que de la protestation électorale à laquelle il participait.

« Considérant que l’association « LES VERTS », au nom de laquelle M. X… était candidat, avait intérêt à l’annulation des élections contestées ; que M. Tête justifiait avoir qualité pour représenter ladite association ; que, dans ces conditions, l’association « LES VERTS » est recevable à faire appel du jugement du 5 juin 1985 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif a rejeté son intervention qui se bornait à venir à l’appui des griefs articulés par M. X… ; qu’il est dès lors fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif a déclaré cette intervention irrecevable ; (…) Article 2 : L’intervention formée devant le tribunal administratif de Paris par l’association « LES VERTS » est admise. » (Conseil d’État, 3e SS, 21 novembre 1986, 70263)


13. Par ailleurs, et selon une jurisprudence constante de la Haute Chambre, un intervenant en requête dispose, de manière générale, de la faculté d’interjeter appel contre le dispositif du jugement qui a rejeté son intervention en demande (voir en ce sens les conclusions du rapporteur public alors commissaire du Gouvernement DENOIX de SAINT-MARC dans l’instance Conseil d’État, 2 / 6 SSR, 26 juin 1985, 34305, 34331 et 34456, publié au recueil).


14. Précisément, en matière électorale, un intervenant est recevable à relever appel d’un jugement qui emporte rejet d’une protestation, à la condition d’avoir qualité en première instance pour déférer au tribunal administratif les opérations électorales.

« Considérant, en revanche, que l’association « LES VERTS », qui n’aurait pas eu qualité pour déférer au tribunal administratif les opérations électorales, n’est pas recevable à faire appel dudit jugement en tant qu’il emporte rejet de la protestation de M. X… ; » (Conseil d’État, 3e SS, 21 novembre 1986, 70263)


15. Il n’est pas contestable et il n’est au demeurant pas contesté que M. VAGNEUX avait qualité pour déférer au tribunal administratif ces opérations électorales, tant en qualité d’électeur de la commune, que de candidat malheureux. Certes, il ne l’a pas fait.

De fait, l’exposant n’en demeure pas moins fondé à relever appel du jugement du fait de son intervention, qui a été admise à l’instance, et de cette capacité.


16. Il résulte de tout ce qui précède que c’est bien à tort que la présidente de la 1ère chambre considère que M. VAGNEUX ne pouvait pas intervenir au litige à l’instance ; et que l’enfermant dans une qualité de défendeur, elle en déduit faussement qu’il n’est pas fondé, toujours en cette qualité, à se plaindre du rejet de la protestation en appel.

Le rejet du moyen s’en infère donc.


II. 2 – Sur le moyen pris en sa branche de l’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles tendant aux mêmes fins de M. VAGNEUX pour tardiveté

17. Le Conseil d’État s’appuie ensuite sur l’irrecevabilité des conclusions incidentes en matière électorale, bien que le moyen ne s’attarde que sur les seules conclusions reconventionnelles tendant aux mêmes fins, en première instance, pour déduire l’irrecevabilité totale ou partielle de la requête d’appel.

Précisément, la chambre écrit dans son moyen :

« M. Vagneux n’ayant pas présenté dans le délai de recours de protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées à Savigny-sur-Orge les 15 mars et 28 juin 2020, il n’était pas recevable à présenter devant le tribunal administratif de Versailles des conclusions reconventionnelles tendant aux mêmes fins en réponse à sa mise en cause par le tribunal administratif lors de l’instruction de la protestation présentée par M. Fabre. (…) Le Conseil d’État est susceptible d’en déduire, soit que l’appel de M. Vagneux est totalement ou partiellement irrecevable. »

Or, cette affirmation manque en droit.


18. En premier lieu, il convient de rappeler que M. VAGNEUX a participé à l’instance en tant qu’intervenant en demande, laquelle qualité lui a été reconnue par le Tribunal administratif dans l’article 1er de son jugement. C’est encore en cette qualité que le jugement lui a été notifié.


19. En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État précédemment mentionnée (Conseil d’État, 3e SS, 21 novembre 1986, 70263), qu’un intervenant en demande, quand bien même son intervention n’a pas été admise, est fondé à interjeter appel d’un jugement en tant qu’il emporte rejet d’une protestation électorale dès lors qu’il possède à la fois une capacité à déférer les opérations électorales près le tribunal administratif et en même temps un intérêt propre à agir et obtenir l’annulation des opérations électorales critiquées.

20. De telle sorte que l’irrecevabilité supposée de ses conclusions reconventionnelles d’instance est sans incidence sur la validité de son appel.


21. En troisième et dernier lieu, la recevabilité d‘une intervention nécessite plusieurs conditions de forme, forgées par construction prétorienne.

22. Ainsi, toute intervention réclame du participant un intérêt à agir.

Précisément, la section du contentieux a jugé que :

« Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. » (Conseil d’État, section du contentieux, 25 juillet 2013, 350661, publié au recueil)


23. Davantage, en matière électorale, la jurisprudence de la Haute chambre apprécie ce qu’elle qualifie d’ « intérêt propre ».

Par exemple, les magistrats de la 6e chambre de la section du contentieux, ont jugé que :

« Il résulte de ces dispositions que, dans un contentieux électoral, faute de justifier d’un intérêt propre, une commune ne peut avoir, quand bien même elle aurait été mise en cause dans l’instance, ni la qualité de partie, ni celle d’intervenant. Par suite, l’intervention de la commune n’est pas recevable. » (Conseil d’État, 6e chambre, 30 décembre 2020, 445050)


24. De plus, l’intervention volontaire, entendue au sens de l’article R. 632-1 du code de justice administrative, requiert que le participant s’associe aux conclusions de l’une des parties.

Ainsi, les magistrats du Conseil d’État, statuant en formation de chambres réunies, ont jugé, en l’occurrence en matière électorale, que :

« une intervention ne peut être admise que si son auteur s’associe, au moins partiellement, soit aux conclusions du requérant, soit aux conclusions du défendeur » (Conseil d’État, 10e et 9e sous-sections réunies, 6 avril 2007, 297704, mentionné aux Tables)


25. En l’espèce, et de première part, il n’est ni contesté ni contestable que M. VAGNEUX, en qualité d’électeur de la commune mais également de candidat malheureux, victime des fraudes de MM. CURATOLO, IZARD et MEHLHORN, dispose d’un intérêt propre à intervenir en requête, dès lors qu’il n’a pas agi dans les délais de recours.


26. De seconde part, et quand bien même la matière électorale ne permet pas l’admission de conclusions reconventionnelles, M. VAGNEUX se devait de conclure aux mêmes fins que le protestataire, faute de devoir souffrir du rejet de son intervention d’instance.

Il s’agit donc ici de « conclusions de nécessité », qui n’avaient pas pour but d’emporter la décision du Tribunal par elles-mêmes mais bien de permettre la communication à la juridiction d’éléments de droit et de fait susceptibles d’emporter sa conviction dans l’affaire de la protestation.


27. Au surplus, la majorité des autres conclusions de M. VAGNEUX, qui ne tendent pas toutes rigoureusement aux mêmes fins que celles que M. FABRE, portaient sinon sur des demandes d’office faisant application des articles L. 118-2 et L. 118-4 du code électoral, lesquelles ne nécessitent de toute façon pas que la juridiction soit saisie pour pouvoir se prononcer dessus.


28. Ainsi, par exemple, relativement à l’application de l’article L. 118-2 du code électoral, le Conseil d’État, statuant en formation de chambres réunies, a jugé que :

« 2. Il résulte des dispositions précitées du second alinéa de l’article L. 118-2 du code électoral que, lorsque le juge de l’élection se prononce sur un compte de campagne et sur l’éligibilité d’un candidat, il lui appartient, qu’il soit ou non saisi de conclusions en ce sens, de fixer le montant du remboursement dû par l’État au candidat s’il constate que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) n’a pas statué à bon droit. » (Conseil d’État, 10/9 SSR, 6 juin 2018, 415317)


29. Ou encore, relativement à l’article L.118-4 du code électoral, le Conseil d’État, en formation de chambres réunies, a jugé que :

« 8. Aux termes de l’article L. 118-4 du code électoral :  » Saisi d’une contestation formée contre l’élection, le juge de l’élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (…) « . Il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d’un grief tiré de l’existence de manœuvres, le juge de l’élection peut, le cas échéant d’office, et après avoir, dans cette hypothèse, recueilli les observations des candidats concernés, prononcer une telle sanction si les manœuvres constatées présentent un caractère frauduleux et s’il est établi qu’elles ont été accomplies par les candidats concernés et ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. » (Conseil d’État, 1ère – 4e chambres réunies, 11 mai 2021, 445863)


30. Là encore, ces différentes conclusions reconventionnelles d’instance étaient présentées non pas tant aux fins d’être satisfaites relativement à la sollicitation personnelle de M. VAGNEUX, mais bien pour elles-même, à titre indicatif, aux fins d’orienter la juridiction vers l’application de ces dispositions, au soutien des écritures de M. FABRE et dans le cadre de l’examen de sa protestation.

De telle sorte que si ces conclusions reconventionnelles d’instance devaient être rejetées pour irrecevabilité au titre de l’effet dévolutif de l’appel, le Conseil d’État pourrait quand même faire droit d’autorité à leurs prétentions du fait de son office.


31. Néanmoins, il découle de tout ce qui précède que l’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles d’instance de M. VAGNEUX ; de toute façon obligatoires pour respecter les formes d’une intervention, pour tant qu’elles tendent aux mêmes fins que celles de la protestation, sont sans influence sur la recevabilité de l’appel.

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé et qu’il devra être écarté.

*****


PAR CES MOTIFS,

PLAISE À LA SECTION DU CONTENTIEUX DU CONSEIL D’ÉTAT DE BIEN VOULOIR :

  • REJETER ce moyen dans toutes ses branches.

SOUS TOUTES RÉSERVES

Fait à Savigny-sur-Orge, le 10 août 2021.

Olivier VAGNEUX,

Appelant



 

3 commentaires

  1. Bonjour,
    Merci pour votre blog, c’est intéressant.
    Ma question va vous sembler béotienne mais je ne comprends pas tout : alors, du coup, elles sont annulées, ou pas, ces élections ?
    Ça devient trop technique pour moi. Je n’ai rien trouvé coté Conseil Constitutionnel, et les recherches renvoient surtout sur votre site. Feuilleton captivant mais des termes, formules… où je ne suis pas assez initié pour comprendre 🙂
    Merci pour votre éclairage simple, pour un administré lambda 🙂

    1. À cette heure, les élections ne sont pas encore annulées. La décision ne sera connue que le 6 octobre 2021.

      C’est seulement le Conseil d’État qui annule les élections municipales, départementales, régionales et européennes.
      Le Conseil constitutionnel ne statue que sur les élections législatives et présidentielle.

      1. Merci beaucoup pour cette réponse si rapide et si claire !
        Je ne connaissais pas ce distinguo entre CE & CC selon le type d’élections.
        A suivre donc !
        Bien cordialement,
        /gs

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