Des deux stratégies du mis en cause face à la plainte en diffamation publique

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Si l’on porte une plainte contre vous pour des faits de diffamation publique (sans circonstances aggravantes, par exemple du racisme ou de l’antisémitisme dans vos propos), que ce soit une plainte simple déposée au Parquet ou devant un officier de police judiciaire, ou une plainte avec constitution de partie civile, vous disposez de deux stratégies sur le fond de l’affaire, en tant que mis en cause.

Face au juge d’instruction, il ne sert absolument à rien de tenter quoi que ce soit, à l’exception manifeste de soulever la prescription de l’affaire ou le fait que ce soit un autre que vous qui est coupable des propos.

En effet, au droit de l’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« Le juge d’instruction ne peut instruire sur les preuves éventuelles de la vérité des faits diffamatoires, ni sur celles de la bonne foi en matière de diffamation, ni non plus instruire sur l’éventuelle excuse de provocation en matière d’injure. »

Donc le juge, qui est parfaitement conscient du jeu, vous signifiera mécaniquement votre mise en examen, laquelle sera suivie quelques semaines plus tard de votre renvoi devant le Tribunal correctionnel.

À partir de là, tout sera ouvert.


Et puis, il y a l’attitude à adopter face à l’officier de police judiciaire (OPJ), qui est finalement importante pour la suite de votre affaire, tant parce que vos propos peuvent être ensuite réutilisés contre vous lors de l’audience correctionnelle, que si vous envisagez une plainte en dénonciation calomnieuse.

En règle générale, l’OPJ ne peut rien contre vous, il en est conscient et vous le dit souvent ; qu’il a mieux à faire comme courir après les voleurs, et le Ministère public (le procureur) ne prendra pas l’initiative des poursuites. Ce sera donc au plaignant de vous poursuivre de son propre chef.

Dès lors, deux attitudes possibles face à l’OPJ :

  • « bad ass » (mauvaises fesses) : je connais le système. Je ne vais pas vous faire perdre votre temps. Je réserve mes déclarations pour le magistrat du siège. Je vous souhaite une bonne journée.

C’est l’attitude à prendre quand vous êtes assuré de votre victoire, et que vous n’avez rien à faire ensuite du plaignant, que vous ne comptez pas poursuivre.

  • sérieuse ; où vous allez jouer le jeu et répondre aux questions. Dans un premier temps, il faut vous laisser guider par les questions de l’OPJ et veiller à rester dans le cadre. Des réponses courtes et efficaces qui n’appellent aucun développement. Et à la fin, au moment où on vous demande si vous n’avez rien à ajouter, vous sortez tout ce que vous avez sur le cœur, et pourquoi vous pensez que vous n’avez pas diffamé, par exemple parce que ce serait la vérité.

L’enjeu, c’est le code de classement : il vous faut obtenir un 11, plutôt qu’un 21.

Le 11, absence d’infraction, l’OPJ est de votre côté ;

le 21, infraction insuffisamment caractérisée, cela signifie que l’OPJ vous croît coupable.

En effet, quand l’OPJ conclut son enquête, il motive son appréciation que le procureur traduit ensuite par ce code, lequel peut vous servir par la suite.

Tant parce qu’un code 11 justifie la plainte pour dénonciation calomnieuse, qui sera en revanche écartée dans le cas d’un code 21 où on vous dira gentiment que sans juger l’affaire au fond parce qu’on ne le peut pas, on pense quand même que votre expression était limite (donc que vous étiez coupable).

Et puis un code 21 demeure une bonne appréciation pour le plaignant pour ses chances de victoire au fond : à vous donc de travailler votre discours en circonstance et de moduler devant le juge du siège ce qui a pu déplaire à l’OPJ, même si sa conviction était peut-être déjà fondée avant, sur la base des seuls propos.


Je finirais par quelques considérations personnelles, basée sur mon expérience, qui n’est cependant en rien exhaustive.

La diffamation est une matière assez décevante pour les prévenus, généralement parce que les plaignants ne jouent pas le jeu.

Vous vous motivez par le fait que vous allez plaider contre eux, pour faire la preuve de votre innocence.

Et puis ils envoient une vieille avocate à leur place (vieille au sens de pourrie), vous ne verrez donc jamais les plaignants personnellement ; laquelle avocate parce qu’elle a du recul, parce qu’elle ne connaît pas les tenants et les aboutissants du rapport que vous entretenez avec la personne, parce que du temps est passé… Va finalement relativiser la gravité de vos propos.

Elle va commencer par vous appeler la veille du procès, pour vous expliquer que malgré ce soit eux qui vous attaque, et qu’ils pourraient se désister, ils voudraient savoir si vous ne voulez pas arrêter vous aussi,

Et puis à l’inverse, à l’audience, ils vont se montrer super revendicatifs, mais finalement perdre le dossier, en tant qu’ils n’y croyaient alors pas eux-mêmes à la base.


Bref, l’issue de votre affaire dépend surtout de ce que vous avez écrit.

Tout est toujours plaidable, mais certains propos sont plus défendables que d’autres…

Un bon avocat ne peut pas toujours tout gagner, mais il peut toujours tout plaider !





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