Des réflexions sur la course de karting à la prison de Fresnes

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Voici quelques réflexions sur le sujet, prises de mon expérience d’écrivain public en détention de décembre 2016 à avril 2019, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne).

Pour moi, c’est d’abord l’histoire de l’ambition ratée d’un directeur d’établissement, qui a pensé pouvoir connaître son quart d’heure de gloire, mais se heurte finalement d’une part à la profonde méconnaissance des Français de ce qu’est la prison, et d’autre part, à la lâcheté de partis politiques et d’un exécutif qui semblent lancés dans une course à la démagogie pour continuer d’éluder tous les problèmes du système carcéral français. Quoi ? Vous m’apprenez qu’il y a des prisons en France ? Mais qu’est-ce que c’est ?

Après, qu’il y ait eu, un jour, dans une prison, une épreuve de kart, parmi bien d’autres, dont une qui a nécessité le remplissage d’une piscine artificielle, dont l’organisation n’a rien coûté à l’État, pour deux personnes détenues, ne me choque pas réellement… Il y a plus grave et notre indignation sélective pourrait davantage se porter sur bien d’autres sujets !


Sur l’échec de la prison en France

Les Français savent-ils que, sauf cas hyper rare de la peine incompressible, toute personne qui rentre en prison est déjà assurée de ne pas faire environ 1/3 de sa peine, grâce au CRP (crédit de remise de peine), aux RPS (remise de peine supplémentaires), voire même les RPE (remises de peine exceptionnelles) ?

Si une fois ces choses dites et sues, on peut trouver cela dégueulasse, il faut surtout aller voir ce qui se passe à l’intérieur de la prison, qui est inutile (70 % des personnes condamnées sortent en ayant encore plus la haine de la société, et on a un des taux de réitération les plus forts du monde) et coûteuse (c’était 92 euros par jour il y a quelques années, et je pense qu’on a dépassé les 100).

La prison en France n’a d’autre résultat que d’empêcher de nuire un certain nombre de personnes pendant une durée déterminée, parmi lesquelles un bon tiers relève de l’internement psychiatrique, tandis qu’un autre tiers s’y complaît aisément, à la fois pour le cadre qu’elle créé (nourri, logé, blanchi, avec un rythme et un ordre) mais davantage pour la réputation que cela créé d’y être allé. Un peu, toutes choses étant égales par ailleurs, comme pour celui qui a fait son hadj, son pèlerinage à La Mecque. Elle n’est pas dissuasive.


Sur les activités en détention

En France, les personnes détenues ont droit à 1 heure de promenade tous les jours de semaine, et 2 heures les fins de semaine (samedi et dimanche). Mais elles peuvent rester en cellule.

Certains peuvent sortir pour bénéficier de parloirs, d’activités (travail – pour 140 euros par mois – bibliothèque, musculation…), de formations, aller à l’infirmerie ou être convoqués par le juge, mais ils peuvent aussi ne rien avoir, et donc rester enfermé H24, puisque les repas leur sont livrés à la porte par chariots.

Plus de 90 % ont la télévision ; beaucoup ont des portables et fument du cannabis. Il y en a aussi un nombre impressionnant sous médicaments… Complètement zombis.


Sur les personnes informées de l’organisation de l’événement

À Fleury, mais qui reste la plus grosse prison d’Europe, le chef d’établissement ne s’est jamais occupé des partenariats. Tout est toujours géré par la direction des politiques partenariales, la DPP, et ensuite validé par un adjoint du chef d’établissement, qu’on ne voit réellement que le jour de la signature de la convention puis évidemment de l’évènement. Il est donc tout à fait crédible que ni DUPONT-MORETTI ni même le chef d’établissement n’ait été informé des modalités de l’événement.


Sur l’utilité douteuse de ce genre de manifestations

Que d’erreurs de communication !

On a commencé par nous vendre qu’il s’agissait d’un événement de réinsertion avec des profils sélectionnés, dont on finit par se rendre compte qu’ils n’étaient pas si sélectionnés que cela.

Non, il s’agissait juste d’occuper quelques personnes détenues pendant quelques heures pour obtenir la paix sociale. Avons-nous de meilleures idées pour calmer les tensions en prison ?

On nous vend que cet événement avait vocation à rapprocher les surveillants et les personnes détenues. C’est pipo. Déjà parce qu’ils sont trop peu à participer, et ensuite parce qu’il y a une telle rotation que les liens qui pourraient être créés, et qui sont d’ailleurs profondément malsains, ne dureraient pas.


En conclusion, oui, la prison n’est pas faite pour s’amuser et non, le besoin de faire autre chose que d’être enfermé, ne saurait justifier l’organisation d’un tel événement.

Pour autant, c’est un partenariat extérieur, gratuit pour l’État, qui a sûrement et collectivement fait du bien aux intéressés (et trop et injustement pour le criminel) sans faire de mal à la société.

Maintenant, ce qui est dommage, est qu’on ne regarde pas les dysfonctionnements de la prison, et qu’on défende finalement un modèle de prison qui aggrave les situations donc les problèmes.



Un commentaire

  1. J’attendais ton avis avec une certaine curiosité car tu es un des rares à avoir vu le milieu carcéral par toi-même (en « simple visite » comme au Monopoly) comme me tu l’as plusieurs fois relaté. Comme d’habitude dans les merdias, il y en a beaucoup de trop qui ouvrent leur gueules sans absolument rien y connaitre.

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