Jocelyne DEVLIEGER née BÉDÊCHE (1938 – 2021)

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Jocelyne, (ou Tocelyne comme nous t’appelions parce que tes J ressemblaient à des T),

J’apprends ta mort dans le cambriolage de ton appartement.

Je ne veux pas y croire. Je me dis que tu vas répondre si je t’appelle. Que tu vas être chez toi si j’y vais. Que tu seras là dans deux semaines pour l’anniversaire de Claire.

Pardon de ne pas avoir été là.

Il est toujours brutal d’apprendre un décès mais encore plus quand vraiment rien ne le laissait présager, que ce soit la maladie ou l’hôpital. Je pensais justement à toi hier vers 13 heures en passant devant chez Andréa.

J’aimerais croire que tu n’as pas souffert, que tu n’as pas été torturée, que tu n’as pas agonisé, que tu n’as pas eu le temps d’avoir peur ou de te rendre compte. Mais le communiqué du Parquet de Paris, relayé dans la presse avec force détails, n’est guère équivoque.

Je fais le lien avec Gilbert. Il est décédé au début de ma première campagne départementale. Et toi, tu nous es arraché, le jour où je commence la seconde…

Je pense aussi à Opale. J’espère qu’elle va bien…

On se disait, comme Yvette avait vécu presque 94 ans, que tu ferais pareil.

Tu avais reçu ta deuxième dose de vaccin et tu commençais à ressortir. Tu avais pu nous recevoir le 7 mars. Nous ne nous étions vus qu’une fois entre le premier et le deuxième confinement. Dans ton dernier SMS, en réponse à mon message d’anniversaire pour tes 83 ans, tu nous donnais rendez-vous le 16 mai pour l’anniversaire de Claire.


Plus rien n’était pareil depuis la mort de Gilbert.

Pourtant, pour moi, le temps semblait s’être arrêté dans ton appartement. Il était sacré. C’est la chambre où est mort Bruno, qui aurait eu 28 ans aujourd’hui. C’était un lieu symbolique et important pour moi, par exemple celui où je jouais quand j’étais petit, celui où je dormais quand tu nous invitais chez toi, celui où je voulais finir les jeux vidéos importants pour moi, celui où j’avais signé mes comptes de campagne pour les municipales 2020. J’espérais pouvoir toujours connaître cette pièce, et que tu y restes le plus longtemps possible.

C’était un pied-à-terre à Paris, on savait qu’on pourrait y venir si on se trouvait bloqué un soir dans la capitale ; et un lieu sécurisant qui me renvoyait vers ma jeunesse : tous ces 31 décembre, ces troisième dimanche de novembre, les salons de minéralogie mi-mars et début décembre, toutes mes heures de trou quand j’étais à la fac à Paris I à Olympiades ou à l’école de journalisme.

Et puis me viennent plein d’autres souvenirs pêle-mêle :

  • les pepinettes avec du fromage, les mini-saucissons, les olives à l’ail, le jus multi-fruit, les kiwis, tous les bonbons Haribo et notamment les kilos de schtroumpfs, et les petits paquets de dragibus que tu avais toujours dans ton sac… Et puis la soupe de mémé Yvette,
  • toi me ravitaillant pendant cette fête en 2001 où je m’étais enfermé dans ma chambre,
  • quand tu m’avais aidé à rapporter les meubles dans l’ancienne maison après le déménagement,
  • la boutique du boulevard Diderot chaque fois que je vais donner mes plaquettes à Crozatier. Je t’envoyais toujours un SMS,
  • toutes ces cartes Pokémon que tu nous offrais,
  • les jeux pokémon que je faisais chez toi, et tous les autres, Tomb Raider, Le Seigneur des Anneaux, Zelda, et bien sur l’oncle Ernest,
  • le passage à l’an 2000 chez toi, tous ces autres Nouvel An, et celui de 2004 où vous étiez venus dormir trois jours, la soirée des législatives 2007,
  • l’imprimante rotative que vous m’aviez offertes et mes premières montres,
  • tous les bonbons qu’il y avait toujours chez toi et que tu nous offrais, J’ai encore le dernier paquet entamé de bonbons Haribo,
  • les vacances à Gadagne en 2002 ou cet été 2006 à La Turballe,
  • l’abonnement à Valeurs actuelles ; tu disais toujours que tu trouvais le journal trop à droite mais tu t’abonnais pour moi,
  • cette photo de moi devant le fraisier,
  • le bain moussant bleu,
  • le manège de la place de la Nation avec les sucettes à la cerise en forme de cœur,
  • quand tu prenais systématiquement ma défense même quand j’avais tort, ou que tu trouvais toutes mes chemises belles et nouvelles, ou que tu aimais mes cheveux longs,
  • la collection des Tom-Tom et Nana et des Chair de Poule,
  • le métro et les tickets de métro, avant qu’il n’y ait la ligne 14, la gare d’Austerlitz et la ménagerie du Jardin des Plantes ; quand on partait et qu’on regardait vers ta fenêtre,
  • quand on jouait à l’école ou à la marchande, quand tu venais tous les lundis,
  • quand on allait chez toi avec Maman et Mémé le mercredi,
  • ton parfum, qui encense encore tes courriers,
  • quand tu nous avais présenté Opale au Bistrot du boucher pour la première fois,
  • quand tu nous avais emmené au premier Escape Game avec Antoine et Fanny,
  • les lignes parallèles et perpendiculaires des rideaux quand j’allais dormir chez toi sur les coussins jaunes du canapé, le bruit de l’installation du marché,
  • tous les enfants que tu aimais, et avec lesquels tu étais très permissive, toutes ces générations avec lesquelles tu faisais des bêtises,
  • Taxi folie. Le jeu de l’oie et les échelles, les figurines dans le tonneau,
  • ma première grosse rayure sur la voiture parce que je voulais te ramener plus vite à la gare,
  • tes expressions comme « Après, c’est oultime. », le « fluide magique » avant de lancer les dés ou la « poudre de perlimpinpin » avant MACRON,
  • le livre sur le Plan Schlieffen qui m’avait ouvert les portes de Sciences-Po pour une formation d’une année,
  • tous les musées de Paris, le Louvre, les Arts-et-Métiers, les Invalides (les photos avec l’appareil jetable et le flash), la Cité des sciences où je n’avais fait que jouer à Pokémon, Paris en général, les cierges à Notre-Dame, les cimetières, les catacombes, le petit train…
  • quand tu nous invitais chez toi mais que tu ne mangeais rien, quand tu parlais aux gens dans la rue sans même les connaître, le cordonnier, le marchand de journaux…
  • quand tu venais me chercher à l’école et qu’on achetait ensuite une glace chez Oscar ou qu’on allait au buraliste à Clair-Village,
  • le ventilateur que vous m’aviez donné,
  • la punition de CE1 que tu m’avais aidée à écrire, le jeu de roulette,
  • quand tu étais là tous les jours à la maternité à la naissance de Claire, dont on avait appris chez toi que Maman était enceinte,
  • les litres de thé et les heures de bavardage au téléphone qui commençait toujours par « Allo Jocelyne ! » suivi de « Monsieur Olivier »,
  • entendre un chien aboyer au 60 depuis le 75 et savoir que tu étais arrivé,
  • entrer dans la maison, et sentir ton parfum, savoir que tu avais été là,
  • les masques dans la boîte aux lettres…

J’espérais que tu puisses me connaître marié et avec des enfants. Que des filles juste pour m’embêter…

Je voudrais encore te dire que je serai gentil avec Agathe…

Je repense quand tu disais que tu avais peur de mourir écrasé par le métro et sinon que tu finirais tes jours à la maison de retraite qu’ils ont construit en face de chez toi.

Je relis les articles de presse qui parle de ton décès et on se dit que cela ne peut pas arriver aux gens que l’on connaît, que c’est si rare…

Je m’arrête parce que je suis vidé, en larmes et en énergie.


Je veux enfin remercier la Police de s’être déplacée aussi vite.

Jocelyne, je t’aime et merci d’avoir été là.



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