Publié par Depuis plusieurs jours, je reçois des messages, et des commentaires, de croyants juifs de Savigny-sur-Orge, qui me reprochent des propos tenus dans un article.
J’ai essayé de répondre à chaque message reçu, et je me tiens évidemment à la disposition de chacun pour poursuivre la conversation.
Pour mémoire, je me suis offusqué, lors de la commémoration du 30 avril 2023, de ce qu’une mère a demandé à son enfant de 3 ans de se mettre au garde-à-vous, « comme elle le lui a appris ».
J’ai déduit, à la manière dont l’enfant faisait ce salut, qu’il s’agissait du salut militaire de Tsahal, l’armée d’Israël ; dont j’ai aussi écrit que cette dernière commettait des exactions en Palestine.
J’ai encore dit que l’ACISE (Association culturelle isréalité de Savigny-sur-Orge) était de tendance « orthodoxe », c’est-à-dire traditionnaliste.
Je veux d’abord réaffirmer que la première chose qui m’a choqué, est qu’une maman, quelle que soit son origine ou sa nationalité, demande publiquement à un enfant de 3 ans, de mimer un salut militaire, parce que je pense que cela relève de l’endoctrinement à cet âge, et que je dis que les conflits des parents ne sont pas ceux des enfants.
Parmi ce que mon christianisme partage avec le judaïsme, et normalement avec les monothéismes, c’est que nous n’avons qu’une seule nation, parce que nous n’avons qu’un seul Dieu, de la même manière que les hommes n’ont qu’une seule femme.
La seconde chose, puisque cette maman se vantait donc de l’avoir appris à l’enfant, est effectivement cette priorisation de l’appartenance à la communauté nationale d’Israël, plutôt qu’à la communauté nationale française.
Et bien que chrétien, et quel que soit ce que je peux penser dans mon cœur, je me définirai d’abord, toujours et aant tout comme Français, avant de me dire catholique. Et je ne reconnais dans l’espace public qu’une seule communauté qui est la communauté nationale française.
Et par cet acte, qui moi m’a pris aux entrailles, et j’emploie ce dernier mot à dessein, j’ai ressenti que cet enfant, malgré lui, et sa maman, se ressentaient d’abord comme Israëliens avant d’être Français, et donc oui, cela m’a indigné. Non pas par le fait qu’il puisse y avoir des Israëliens en France, mais par le fait de l’expression, dans ce contexte cérémoniel français, d’une identité israëlienne, hors de propos par rapport à l’objet de la commémoration.
Sur les exactions de Tsahal, qui sont aujourd’hui largement documentées, je regrette l’idéologie que m’opposent plusieurs des personnes qui m’ont contactées, selon lesquelles absolument tout, mais vraiment tout, ne serait qu’invention des Palestiniens qui contrôleraient l’ONU et des diverses ONG et associations…
Toutes les armées commettent des exactions, y compris l’armée française, et Tsahal n’échappe malheureusement pas à cette règle.
Si peut-être, tout ce qui est partagé dans des documentaires qui sont diffusés sur Arte ou sur France 2 n’est pas vrai, je ne crois cependant pas que tout soit faux. Notamment venant des militaires « repentis » qui parlent français…
Je n’oublie pas que Tsahal est une armée qui est donc, en tant que telle, aux ordres du Gouvernement ; mais que ce gouvernement est aussi élu par le peuple.
Je refuse d’entendre que toute critique du sionisme serait de l’antisémitisme.
Ce n’est pas parce que je critique la politique de colonisation que je souhaite pour autant l’extermination des juifs.
Ma position sur ce qui se passe en Palestine est claire : les comportements des Israëliens et des Palestiniens sont immoraux tous les deux. Il n’y en a pas un qui vaut mieux que l’autre. Merci de ne pas importer votre conflit sur le territoire français.
Enfin, sur l’association culturelle, que je ne connaîtrais pas…
Pour m’écrire cela, mes interlocuteurs ne doivent pas savoir que je suis membre du service chrétien diocésain des relations avec le judaïsme, que je me forme mensuellement sur la Bible avec les rabbins, de tendance libérale, Michel SERFATY (Ris) et Philippe HADDAD (rue Copernic à Paris), que j’ai appris l’hébreu biblique même si j’ai quasiment tout oublié, que je suis invité, et que je célèbre aux Ulis, à Massy, à Ris… En fait, partout, sauf à Savigny…
Alors oui, je ne connais pas les juifs de Savigny, parce qu’ils refusent de se faire connaître.
Dans ma bouche, ce n’est pas un reproche, parce que j’entends aussi qu’ils n’aient pas envie de se faire envahir par des gens voyeuristes qui viendraient juste assouvir une curiosité malsaine, et qu’ils ne s’intéressent pas au christianisme.
Mais je constate, plus qu’en m’arrêtant au seul habillement traditionnel et/ou rituel des pratiquants de la synagogue de l’armée-Leclerc, qu’en fait, je peux prier, chanter, manger, célébrer, me former… avec tous les autres juifs de l’Essonne, mais pas avec ceux de Savigny.
Et pourtant, avec ces premiers, nous avons l’intelligence mutuelle, quand nous nous recevons, d’éviter les sujets qui fâchent comme la politique en Israël ou laquelle de nos deux religions aurait raison, tout en respectant scrupuleusement les rites alimentaires.
Et si donc je reconnais que Israël est le peuple élu par Dieu pour se faire connaître, je crois aussi, parce que chrétien, que Dieu s’est incarné pour élargir cette élection à l’humanité entière.
Sur ce, je ne nie pas de ne pas vivre ou ressentir ce que les Français juifs subissent. Cela ne m’empêche pas d’avoir de l’empathie ; tant de la sympathie pour certaines choses que de l’antipathie pour d’autres, et de pouvoir l’exprimer au titre de ma liberté d’expression.
Je relève le paradoxe, comme avec l’islam d’ailleurs, d’arriver en même temps à me faire traiter de « sale juif » par les uns (notamment dans des courriers anonymes au moment des élections) et d’ « antisémite » par les autres. Je souris aussi, du fait d’avoir été dénoncé, par Jean ESTIVILL, à la commémoration du 8 mai 2023, dont le mélechonnisme n’est pas super judeo-friendly. Je relève encore qu’il n’y a que moi, dont on sait ce dont il pense réellement, et à qui on reproche quelque chose… Mais allez demander aux autres aussi !
Je revendique le droit de critiquer le gouvernement d’extrême-droite d’Israël, les exactions commises par Tsahal, la colonisation en Palestine (sans remettre en cause l’état d’Israël dans ses frontières de 1967), mais aussi les comportements publics de Français juifs lorsqu’ils me choquent ou me dérangent, et j’affirme que ce n’est ni de l’antisémitisme ni un appel au meurtre.
Je ne considère pas les Français juifs comme des agents doubles, je n’appelle pas à leur « alya » (retour en Israël) ; je ne me positionne pas relativement à cette idée d’un remplacement progressif des juifs en France par des musulmans. Je ne crois pas qu’on puisse me reprocher de la moindre complaisance, y compris avec mes amis et les causes qui me sont chères !
Je suis malheureusement déçu et triste de l’idéologie qui a pu m’être opposée.
J’admets que l’on puisse me reprocher d’avoir surinterprêté un acte, derrière lequel les personnes qui l’ont accompli n’y plaçaient peut-être pas ce que j’y ai vu.
Je n’admets pas qu’on me dise antisémite et appelant au meurtre des juifs parce que je serais intoxiqué par une propagande palestinienne, et que Tsahal, en 75 ans, n’aurait jamais commis aucun crime de guerre.
Je reste évidemment à la disposition de chacun pour continuer la discussion, mais sur la base d’éléments objectifs et factuels, afin que nous puissions tous sortir enrichis de tels débats.
παρρησία 