Essai de définition d’une « liste citoyenne » et de la nouvelle notion de « citoyen » en politique

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De la même manière que les mots de « société civile » se sont récemment substitués à celui d’auto-entrepreneur ultra-libéraux (relire ce que j’écris sur le sujet depuis quatre ans), le mot de citoyen désigne aujourd’hui un rassemblement d’indépendants.

En 2020, presque plus aucune liste (ou aucun candidat) ne se présente comme la liste (ou le représentant) de tel parti, mais alors bien comme une liste citoyenne, parfois soutenu(e) par tel parti.

L’idée sous-jacente est alors de montrer sa capacité de rassemblement, au-delà de son parti.

Elle est intéressante en tant que l’homme politique idéal est censé agir pour 100 % des gens (même si dans la réalité, le politique ne cherche plus qu’à agir pour le ratio de 50 % des gens + 1 voix par rapport à une abstention qui augmente progressivement).

Mais elle est traître pour le parti qui finance la campagne, et sans qui, probablement le candidat soit ne se présenterait pas, soit ne ferait pas de voix.


Beaucoup veulent faire de l’élection d’Emmanuel MACRON un événement zéro pour dater l’apparition de ce vocable de « citoyen » qui s’est par ailleurs fondu avec celui de « société civile » que l’on entend plus nulle part.

Or, MACRON n’était pas un candidat sans-parti ou un candidat citoyen, mais sans rentrer dans le poncif du candidat des banques, un dissident PS soutenu par le MoDem.

En réalité, il y a toujours eu des candidats citoyens, sauf que ceux-ci ont rarement percés, et le peuvent de moins en moins dans des systèmes d’élection où, notamment du fait de la parité, il n’est plus possible de connaître son électorat.


Dans le fond, le concept de « citoyen » est absurde parce que nous habitons tous la cité, donc que nous sommes tous des citoyens.

Sauf qu’après des siècles de trahisons successives, les Français ont décidé d’exclure de la citoyenneté politique tous ceux qui revendiquent le soutien d’un parti, quel qu’il soit, au motif que ces personnes politiques se sont auto-exclues elles-mêmes de leur condition de citoyen, par l’allégeance ou le soutien à un parti.

Difficile dès lors de participer à une élection sans l’appui d’une structure, ne serait-ce que pour accomplir tout ce qui est administratif, car même si DE GAULLE critiquait le « régime des partis », c’est quand même bien dans sa Constitution que l’on trouve que les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage (article 4).

D’où l’émergence de ce qu’on appelle les mouvements politiques, qui peuvent eux-mêmes fédérer des partis, et qui à leur tour se décrivent tous plus ou moins comme citoyens.

Le fait étant que tous les mouvements citoyens sans partis dépassent rarement 1 % au niveau national.

En effet, ces mouvements paient à la fois le fait qu’ils manquent d’une expérience, dont dispose les partis, et puis surtout, le fait que le programme providentiel, à l’image de l’homme providentiel, n’existe pas.


Le citoyen est donc celui qui n’est pas attaché à un parti.

Et plus largement, celui qui ne s’est pas corrompu avec tel parti, donc celui qui n’a jamais fait de politique, puisqu’il n’est pas possible d’être élu dans le cadre d’un mouvement citoyen.

Le problème cependant est que tout est politique, donc qu’il n’est pas possible de ne pas faire de politique, laquelle existe dans tous les choix du quotidien…

Et puis qu’un politique qui s’intéresse aux gens, mais qui ne s’est jamais engagé pour eux précédemment, n’est pas non plus facile à justifier.

Alors on dira que son inexpérience, généralement lié à un bon sens commun, issu de la terre et du travail, n’en fera pas quelqu’un de plus mauvais qu’un autre.

En oubliant au passage qu’on recherche un meilleur pour que tout aille mieux.


Ainsi, l’homme providentiel doit sortir de nulle part, tel le Messie qui apparaît à trente ans.

Son programme providentiel ne doit reprendre aucune idée existante, puisqu’elles ont toutes échouées (à la rigueur, on dira que c’est parce qu’elles n’ont pas ou mal été appliquées).

Mais quand bien même il existerait, il reste un dernier obstacle de taille, infranchissable, qui est le citoyen, et son incohérence légendaire.

Parce que celui-ci, qui prétend vouloir sortir des clivages est le premier à l’alimenter, et finalement à continuer de lire la politique soit de manière populiste avec le citoyen du peuple contre le parti des élites, soit de manière la gauche contre la droite. Et dès qu’il y a un rassemblement gauche/droite ou patriote/mondialiste ou système/anti-système à se jeter sur celui qui aura l’identité la plus affirmée.

Et donc il fera échouer ce qu’il dit demander, qui n’est en fait qu’une troisième voie, que l’on veut toujours présenter comme étant l’avenir, et qui effectivement parfois l’emporte, non par pas adhésion mais par échec des deux premières voies.

Une troisième voie pour déresponsabiliser l’électeur qui se dit que la solution est forcément ailleurs, que l’herbe est forcément plus verte à côté, alors que c’est lui qui a institué les deux premières…


En conclusion, la liste citoyenne est une liste mythique qui lorsqu’elle voit le jour déçoit forcément par rapport à la légende.

Car le citoyen est trop pur pour s’abîmer dans la politique, qui est forcément destructrice.

Dans ces conditions, l’ancien monde a encore de beaux jours devant lui.



 

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