Il y a quelques mois, j’interviewais un évêque africain pour un média catho qui me disait en off à la fin de l’entretien : « moi, mon problème, ce n’est pas quand mes prêtres sont mariés ; c’est quand ils ont plusieurs femmes. »
Aujourd’hui, mes petits malheurs de chrétien blanc européen, confronté au cléricalisme des prêtres et des laïcs, à la pédocriminalité et aux autres abus sexuels, à l’explosion du traditionalisme (45 % des cathos de Savigny à genoux à la messe du jeudi-saint), à l’africanisation du clergé (et des pratiques qui vont avec) et à l’ubérisation du christianisme (avec des chrétiens consommateurs qui veulent juste du prêt-à-penser moral, mais quand même pas trop sévère, et qui ne feront rien pour la paroisse) ne sont pas les problèmes de l’Église mondiale.
Parce que nous (Européens) sommes 10 % des cathos.
Parce que mes convictions sont celles de 10 % de ces 10 %.
Et parce que les gens qui pensent comme moi, et qui sont partis, ne reviendront pas… Donc à quoi bon ?
Je me rappelle très bien de l’évêque d’Évry, PANSARD, en 2019, auquel je parlais de cette évolution de l’Église essonnienne, et qui me répondait que l’on ne vivait pas dans la même Église.
Oui, il y a eu 450 baptêmes d’adultes en Essonne à Pâques 2025, et plus de 11 000 en France.
Seront-ils toujours-là dimanche prochain ?
Il n’y aura aucune ordination à Évry cette année, et le séminaire est vide.
L’évêque va donc continuer de faire son marché en Afrique.
Mais la réalité est qu’il y a deux fois moins de baptêmes en France qu’il y a quinze ans.
Et que dans quinze ans, il n’y a plus de prêtres paroissiaux, nous obligeant à nous réinventer…
Comme pour tous les papes, les cardinaux, réunis en conclave, vont chercher une personne d’unité.
Qui sache parler à la fois aux tradis et aux conciliaires, à la masse des fidèles qui est débordée ou se désintéresse de ce clivage, ainsi qu’au monde civil, et donner des gages à chacun.
Mais les priorités du nouveau pape ne seront quand même certainement pas en Europe.
Pour autant, le clivage tradis contre conciliaires dépasse la France, même s’il n’existe que dans un Occident catholique.
Et le présent de l’Église n’est clairement pas en Occident, lequel ne survit dans sa pratique actuelle, que parce qu’il est irrigué par le reste du monde chrétien.
Il n’empêche que c’est bien cet Occident qui est moteur intellectuellement, ainsi que l’a démontré ce qui ressort du dernier synode romain, pour décevant que ce soit.
Là aussi, le futur pape devra réussir à conserver cette base intellectuelle de la vieille Europe, tout en conciliant la piété populaire qui existe dans le reste du monde, mais aussi en prenant en compte la droitisation du monde et le retour au conservatisme de nos sociétés.
En somme, le catholicisme est fort parce que les tradis apportent l’argent, les conciliaires, la réflexion intellectuelle et le monde chrétien non occidental, le clergé et les masses de fidèles.
Mais chaque bloc est confronté à ses propres difficultés, et tend à faire sécession l’un des autres.
Le futur pape devra donc essayer d’en donner un petit peu pour chacun, afin de continuer à faire vivre tout ce petit monde ensemble, chacun représentant une tradition de l’Église, et irriguant l’ensemble, en veillant à ce que l’un n’étouffe pas totalement les autres.

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