L’attentat de Charlie, c’est comme le 11 septembre 2001, on se souvient tous d’où on était, ce que l’on faisait et comment on l’a appris.
Moi, j’étais chez moi, en train de bosser un dossier pour l’école de journalisme ; j’avais la télé allumée sur BFM et ils sont passés en édition spéciale.
Mais je ne sais pas si aujourd’hui, on ne l’a pas tous relativisé avec ce qui s’est ensuite passé au Bataclan.
Et malgré tout, ce petit inconscient qui dit que oui, mais au Bataclan, c’étaient des innocents.
Alors que Charlie, ils l’avaient quand même bien un peu cherché que c’est bien fait pour leur gueule…
Moi, je pense que ce serait faire injure aux dessinateurs de Charlie que de leur retirer ce côté provoc.
Ils n’aimaient rien de plus, ce qu’on lit d’ailleurs dans le journal du 10e anniversaire, que de déranger et de se faire dire qu’ils dérangeaient.
Évidemment, pas au point de se prendre des rafales de kalach, mais ils aimaient choquer et qu’on leur fasse remarquer qu’ils choquaient les bienpensants et les bourgeois.
Et de relever qu’à part les dessins anniversaires, Charlie-Hebdo ne choque plus.
Ils sont rentrés dans le rang, et leur provoc gratuite continue de n’intéresser que les mêmes vieux blancs gauchistes qui les suivent depuis le début…
Une vérité est que Charlie était un journal de vieux blancs, à bout de souffle, avec très peu d’abonnements, et encore moins de défenseurs.
Des boomers quand même très obsédés par le sexe et le rejet de toutes les formes d’autorité.
C’est pour cela que je m’esclaffe quand on les présente comme féministes et écologistes…
Une autre vérité est que les Français ne connaissaient pas Charlie,
ou plutôt juste les caricatures provocs qui faisaient scandale à la télé.
Ils pensent d’ailleurs que c’est juste un journal que de dessins, sans articles.
Ce que je trouve emmerdant, ce sont les vieux blancs des beaux quartiers qui nous refont l’histoire.
Déjà parce que tous les Arabes qu’ils connaissent se foutent de l’islam, à l’exception peut-être de leur épicier ?
Et puis, parce qu’ils ne vivent pas avec les musulmans, et ne se rendent pas compte de leur fragilité religieuse.
Bien sûr que si, les terroristes aussi ont été blessés par les caricatures. Même si ce n’était sûrement qu’un prétexte.
Et oui, dans notre société de fragiles, les gens se sentent blessés par des dessins, visiblement plus forts que leur Dieu…
Il y a sinon de toute façon cette peur de gens qui sont prêts à mourir pour leurs idées ; là où personne n’ira mourir pour notre République.
Ce qui faudrait vraiment que nos commentateurs de plateaux comprennent est que plus personne non plus n’ira mourir pour la laïcité à la sauce 1905.
L’esprit Charlie, c’est le cri d’un peuple qui dit qu’on ne doit pas mourir pour des dessins.
Puis le vent souffle, et apparaissent les premiers « mais ».
Je pense que malgré moi, je suis quand même un peu Charlie.
Et tant qu’à faire, j’aimerais ne pas mourir pour mes idées.
La liberté d’expression, j’en suis revenu.
Le hic, c’est qu’on ne peut jamais prévoir comment les autres vont réagir.
Dix ans après, c’est dur de vivre entouré d’autant de cons…
Même si le problème est peut-être davantage la lâcheté, et l’absence de convictions profondes…
Je ne suis toujours pas d’accord avec Charlie, mais je crois qu’il faut se battre pour qu’ils puissent continuer de proposer un contenu avec lequel j’ose dire et écrire, sans autres armes que des mots, de manière argumentée, pourquoi je ne suis pas d’accord.

Répondre à Jean-Marie CORBIN Annuler la réponse.