Quand mon client m’a demandé si je voulais voir du porno, je lui ai dit qu’il était bien gentil, mais qu’à mon âge, qui est la moitié du sien, la mécanique érectile fonctionne encore parfaitement bien.
Et comme il a beaucoup d’humour et d’auto-dérision, j’ai ajouté que pour ma part, avec un sous entendu très appuyé d’à l’inverse de lui, je n’ai pas encore, ou pas déjà, besoin de ce genre d’excitants avant ou pendant de queuter.
Puis il m’a dit qu’il allait me payer pour cela (le climax de la gênance), parce qu’il avait en fait besoin d’une expertise juridique pour connaître ce qu’il pouvait faire de ces enregistrements à caractères sexuels, qui lui ont été transmis pour dénoncer une embauche dans la fonction publique dont il s’occupe.
Ce qui m’a d’ailleurs rappelé une histoire raconté récemment par un ami syndicaliste gendarme, d’une de ses collègues, qui faisait du maintien de l’ordre le jour et du porno la nuit. Les bruits s’amplifiaient dans la brigade, tiens donc, mais comment les hommes pouvaient-ils en être informés, et ses chefs l’ont convoqué pour lui demander gentiment de choisir entre les deux, par rapport à la moralité de l’institution. Et elle leur a dit qu’elle gagnait tant comme gendarme et tant en faisant du porno, et elle leur a claqué sa démission.
Bref, je n’ai pas été très farouche à finir de convaincre, entre le manque d’argent et peut-être davantage la seule subversion de l’idée d’être payé pour regarder du porno ; et j’ai très rapidement oublié tous mes bons principes. Je lui ai répondu une connerie du genre : « +1 » ou « count on me ».
Et mon client d’ajouter : « et puis, j’ai la permission de ta copine qui m’a appelé, et qui m’a supplié de te faire voir deux, trois trucs pour que tu puisses enfin la satisfaire. »
Et on a éclaté de rire tous les deux, mais peut-être pas autant, qu’avec l’orthographe du sous-titrage des productions de la nana qui veut se faire « laicher » ou passer les « chênes ».
Ou encore, je ne sais plus si nous étions sur le Mym ou le Onlyfans, je n’avais pas jusque-là une grosse expérience de ces plateformes mais pas fou, j’ai négocié une enveloppe pour acheter des preuves, et la meuf qui te propose un truc si tu lui « paie son uber eat ».
Et comme on est de grands gamins, on a beaucoup ri, parce qu’on n’a pas trop compris le fétichisme sexuel d’acheter à manger à une femme.
Ou alors, nous ne l’avons que trop bien compris ; et cela s’appelle le couple, ou le mariage.
Alors c’était mon premier porno, à 32 ans, mais ce n’est pas le seul truc que je n’ai jamais fait dans ma vie : voyage dans l’espace, saut en parachute, saut à l’élastique, plongée sous marine, vaccin contre le covid…
Je n’ai jamais non plus fumé de cannabis ou consommé d’héroïne ou de cocaïne (les autres drogues, je dis pas).
J’ai un copain pilote de chasse, rencontré à l’école de guerre en 2015, quand je faisais un stage à l’école militaire de Paris, qui m’a proposé un tour. Mais connaissant les limites de mon corps, et sans aucune préparation, je vais soit dégueuler soit faire un black out au premier looping.
Ce porno était globalement conforme à l’idée que je m’en faisais, même si on en a regardé que 5 minutes, histoire de comparer le physique de la dame dans ces contenus (son visage n’apparaît jamais totalement) qui nous avaient été dénoncés (90 % du travail d’un journaliste d’investigation résulte de dénonciations – quand bien même j’étais sollicité pour du droit) par rapport à ses réseaux sociaux classiques.
Lobe des oreilles, commissure des lèvres (de la bouche évidemment !), emplacement des grains de beauté, présence de tatouages, finesse des doigts, forme des pieds (mon client m’a dit : « on voit où vont tes fétichismes »), je pense que c’est elle à plus de 90 %.
Et donc maintenant, je cherche l’adresse perso, l’existence d’une société pour déclarer les revenus annexes, la possibilité d’avoir demandé une autorisation dans son ancien poste… Petit travail de stalking, dans laquelle ma perversion et mes perversités excellent !
Ce n’était cependant pas la première fois que j’avais failli voir du porno professionnellement.
Déjà, il y a 2 ans 1/2, à l’été 2021, j’avais été contacté, comme écrivain public, par une nana qui avait crû faire plaisir à son mec, en filmant leurs ébats. Et puis ils s’étaient séparés et le mec avec publié les sextapes ; le fameux «revenge porn ». Sauf qu’une plateforme américaine avait récupéré les contenus !
La nana va au commissariat où on lui dit qu’elle n’avait qu’à pas faire cela, et que c’était bien fait pour sa gueule (propos pénalement répréhensibles lorsqu’il s’agit de les appliquer pour justifier des attaques terroristes qui se sont produites le 7 octobre 2023 au Proche-Orient, toutes choses étant égales par ailleurs).
Bref, je suis contacté pour la plainte avec constitution de partie civile ; qui a fini par un non-lieu, parce que le United States Department of Justice, a invoqué une exception de la liberté d’expression dans la mesure où il ne ressortait pas, dans le contexte, que les « acteurs » avaient été forcés et que la vidéo avait été volée à la base.
Et la fille voulait absolument que je vois la vidéo, pour rédiger la plainte.
Mais j’avais fini, au bout d’un moment, par lui faire comprendre que cela n’apporterait rien à l’affaire.
Et donc je ne l’ai pas vue…

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