Le petit chat est mort.
Deux semaines avant son dix-huitième anniversaire.
Par réflexe, je l’entends encore partout, dans les bruits de la maison.
Et j’ai aussi l’impression que d’autres chats viennent me voir dans la rue, ce qu’ils ne faisaient pas avant. Étrange ?
Je me rappelle de son arrivée à la maison le samedi 25 août 2007. J’avais 15 ans. Moi assis sur un canapé en train de jouer à Animal Crossing sur la Nintendo DS. Et le petit chaton sortant de sa caisse, de me snober, et de passer derrière le canapé, sans même me prêter attention…
Arlette BOISVERT, qui était la dernière agricultrice exploitante de Savigny (enfin pas selon Alexis TEILLET, maire de Savigny-sur-Orge ni Sandra ALVES, directrice des affaires juridiques, qui t’affirment très sérieusement que 13 % des parents des enfants fréquentant la crèche des Petits-fripons sont agriculteurs exploitants), m’avait dit, en 2019, avec son accent :
« Monsieur Olivier, vous aimez les animaux ? Moi, je ne veux plus de chats. Ce sont des bêtes à chagrin. On est tellement heureux quand on les a mais tellement malheureux quand ils meurent. »
« Bête à chagrin » : aujourd’hui, je comprends quelque chose de cette phrase sous un nouveau jour.
Il y avait déjà, ces dernières semaines, quelques indices de cette fin de vie, comme des siestes à des endroits insolites ou un changement subtil dans la tonalité du miaulement.
Et puis les derniers jours, le refus de faire sa toilette, de s’hydrater et de s’alimenter, jusqu’à ne plus pouvoir marcher.
Le petit chat ne se met plus en boule pour dormir mais reste droit, comme figé, et les yeux ouverts dans le vague.
Mais je crois que le plus dur à supporter est cette absence de vie dans le regard.
Ce sentiment d’impuissance (pour l’humain) de ne plus pouvoir interagir avec quelqu’un qui n’est finalement déjà partiellement plus là.
Qui ne réagit plus à ce qui le stimulait avant, même par réflexe.
J’ai déjà ressenti la même chose avec des humains résignés leurs derniers jours de soins palliatifs, quand l’idée de la mort terrestre est acceptée.
Par la période, la fin de vie d’un animal me renvoie à deux questions :
1°) pourquoi l’euthanasie pour les animaux et pas pour les humains ?
L’humanité n’est-elle pas d’achever un être en souffrance, plutôt que de le regarder souffrir ?
Sur la première question, je me réponds que c’est parce qu’il n’y a pas de soins palliatifs pour soulager une quelconque souffrance animale, dont je ne sais d’ailleurs rien, sinon que par anthropomorphisme.
C’est d’ailleurs assez terrible que parce que moi, je souffre, alors je voudrais que l’autre, quel qu’il soit, souffre aussi… L’humanité est vraiment une saloperie…
2°) quelle survivance de l’âme de l’animal après la mort (s’il en a a une) ?
Mais sur cette deuxième question…
À trois semaines du bac, je raconte à mes lycéens en philo que ce qui distingue l’Homme de l’animal est notamment cette conscience de sa propre finitude, et cette capacité de projeter sa propre mort.
C’est cela qui ferait l’âme ; là où les animaux n’agissent que par instinct en fonction de leurs besoins, sans cette capacité de réflexion sur soi.
Mais quelle est la place des sentiments dans l’âme ?
Alors que certains animaux semblent éprouver des sentiments, ou bien n’est-ce que par anthropomorphisme ?
Est-ce d’éprouver des sentiments qui confère une âme ?
Il y a 30 000 ans, les Hommes préhistoriques enterraient déjà leurs morts, parfois avec leurs animaux, avec la croyance d’un au-delà ou d’une vie après la mort ; et pourtant, Dieu ne s’était pas encore fait connaître aux Hommes.
Mais alors pourquoi l’âme de l’animal ne survivrait-elle pas comme l’âme de l’Homme ?
Finalement, comme toujours, la mort de l’autre, quel qu’il soit, interroge sur sa propre mort.
Alors repose en paix, petit chat.
Je suis content de t’avoir connu et que tu ais été dans ma vie.


Laisser un commentaire