L’audience sur cette QPC s’est tenue ce mardi 18 mars 2025.
Anticor et le Gouvernement ont exprimé des réserves sur une déclaration d’inconstitutionnalité.
Tous les autres intervenants ont demandé au Conseil constitutionnel de déclarer comme étant inconstitutionnelles les dispositions des articles L. 230-1° et L. 236 du code électoral.
Avant toute chose, il vous faut connaître qu’au droit de l’article 471 du code de procédure pénale, les peines complémentaires d’inéligibilité peuvent être déclarées exécutoires par provision, donc être appliquées avant d’être devenues définitives.
C’est ce qui a été requis pour Marine LE PEN, et qui l’empêcherait d’être candidate à la présidentielle en 2027.
Le jugement dans cette affaire est attendue pour le lundi 31 mars.
Revenons-en à la QPC soumise au Conseil constitutionnel.
Il y a deux articles dans le code électoral qui disent qu’un citoyen inéligible ne peut pas être élu, et qu’un élu devenu inéligible doit être démis d’office par le préfet.
Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative, a précisé que les élus locaux rendus inéligibles, avec exécution provisoire, devaient aussi être démis d’office par le préfet.
Mais le Conseil constitutionnel a lui décidé que les parlementaires (députés et sénateurs), rendus inéligibles avec exécution provisoire, ne pouvaient pas être démis d’office, tant que la peine prononcée n’était pas devenue définitive.
L’objet premier de cette QPC est donc d’harmoniser le droit, en appliquant (ou pas) la même logique pour les élus locaux comme pour les élus nationaux.
Mais un autre enjeu se pose avec cette question, qui intéresse Marine LE PEN, qui pourrait devenir inéligible par exécution provisoire, car elle ne pourrait alors plus se présenter à la présidentielle 2027, qui est celui de la légalité de l’application de l’inéligibilité par exécution provisoire.
Étant bien précisé que ce n’est pas cette question qui a été posée au Conseil constitutionnel.
Mais qu’il se déduira de la réponse du Conseil constitutionnel, s’il dit que les préfets ne peuvent pas démettre les élus rendus inéligibles par exécution provisoire, que l’application de l’inéligibilité par exécution provisoire n’est pas constitutionnelle, donc pas légale, donc qu’il y aura ainsi motif à reposer la question de la constitutionnalité des dispositions de l’article 471 du code de procédure pénale.
Or, il faut aussi connaître que la Cour de cassation considère que l’inéligibilité, résultant d’une exécution provisoire, n’est pas inconstitutionnelle, et donc qu’ils ont toujours refusé de transmettre cette question au Conseil constitutionnel !
Difficile d’imaginer, si le Conseil constitutionnel dit qu’il n’est pas constitutionnel que le préfet démette d’office les élus inéligibles, tant que leur condamnation n’est pas définitive, que la Cour de cassation ne puisse pas devoir transmettre une question portant sur la constitutionnalité de l’article 471 du code de procédure pénale.
Pour sa part, Marine LE PEN espère donc :
– soit que les juges, anticipant une telle inconstitutionnalité de l’article 471, n’en fassent pas application pour ce coup-là,
– soit qu’ils surseoient à statuer pour lui permettre de poser la question, voire qu’ils la posent eux-mêmes, avant de rendre leur jugement.
Rapidement sur l’audience, les intervenants ont dit :
- que la démission d’office des élus locaux rendus inéligibles par exécution provisoire n’était qu’une interprétation du Conseil d’État, et pas du législateur ;
- que la démission d’office n’accordait aucune garantie à l’élu rendu inéligible, dès lors que la peine complémentaire d’inéligibilité était obligatoire sans motivation ;
- qu’il existait de fait une rupture d’égalité entre les élus locaux et les parlementaires ; les premiers pouvant être démis d’office avant que la décision de condamnation ne soit devenue définitive, mais pas les seconds ;
- que la séparation des pouvoirs s’opposait à ce que l’exécutif puisse empiéter sur le terrain du judiciaire ;
- qu’une censure emporterait une déchéance des élus locaux au cas par cas ;
- que si le préfet ne pouvait plus démettre, alors des élus incarcérés pourraient rester au pouvoir (coucou Georges TRON).
Anticor propose que la démission d’office ne soit permise que motivée, après un débat contradictoire.
Le représentant du Gouvernement a rappelé que le préfet était tenu d’abroger l’arrêté pris à tort, si la condamnation était invalidée en appel, et que l’élu, si c’est possible, était rétabli d’office.
Il a aussi dit que la décision de démission d’office du préfet pouvait être contestée, sauf que cette contestation ne peut aboutir qu’au rejet des requêtes, puisque le préfet se trouve en situation de compétence liée.

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