Ce que les hommages à Jean-Paul BELMONDO révèlent de l’état de notre société

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Je veux dire à part ce réflexe passéiste du « c’était mieux avant », qui est quand même vrai pour un certain nombre de libertés publiques, mais complètement faux pour beaucoup d’autres choses.

Il y a un an, jour pour jour, disparaissait l’acteur Jean-Paul BELMONDO, alias « Bébel » dans le cœur de nombreux Français qui ont vécu ou grandi avec ses films, du temps où le cinéma français était résolument plus tourné vers l’action que vers les comédies romantiques névrosées et névrosantes.

BELMONDO, ou plutôt son personnage, c’était l’incarnation du mâle alpha, quoique pas tellement poilu : il buvait de l’alcool, il fumait du tabac, il mangeait de la viande, avec ou sans barbecue, il draguait beaucoup et lourdement les femmes sans trop se soucier de leur consentement, lesquelles ne lui résistaient pas, il baisait aussi, probablement sans protection, il était fort, musclé, se battait virilement, il était à peine raciste, son bilan carbone n’était vraiment pas bon… Mais cela allait aussi avec l’insouciance des Trente glorieuses.

Regarder les photos des hommages qui lui ont été rendus revient à retrouver la sociologie des hommages rendus à Johnny, ou dans une autre mesure, celle des hommages aux dessinateurs de Charlie-Hebdo : c’est-à-dire une communauté de vieux blancs, autour desquels la France évolue, sans qu’ils en aient trop rien à foutre, car ils vivent aussi dans un certain déni, et donc sans forcément qu’ils se rendent compte qu’il y a toute une autre partie de la France qui n’en a rien à foutre de Bébel, ce qu’ils ne comprennent pas.

Mais BELMONDO correspond aussi totalement à une autre époque, où même s’il venait d’une famille d’artistes aisés, on (il) gommait tout ce qui pouvait rappeler son ascendance italienne sicilienne. Dans un monde où la « diversité est une richesse », mais quand même loin de chez soi pour ne pas être enrichi culturellement trop vite, plus personne n’imagine qu’on cache, sinon qu’on ne fasse pas cohabiter cette double culture. Et puis quand même ce culte de la police, de la justice, de l’autorité : quel réactionnarisme !

Une contradiction de notre société est donc finalement ; que tout en disant que Bébel, c’était quand même bien (à part pour certains extrémistes irrécupérables, donc là, je parle pour ceux qui ne cherchent pas à le déconstruire), on accepte d’aller vers un modèle dominant de société valorisant le bobo fragile dévirilisé, élevé au quinoa et à la bonne pensée unique, lequel d’ailleurs ne se reproduit pas et s’élimine tout seul.

Bref, Bébel n’est pas qu’un personnage de fiction ou le reflet d’une époque fantasmée où l’on avait l’impression de pouvoir tout faire ; c’est aussi le baromètre qui permet de mesurer à quel point nous sommes devenus manichéens : c’est-à-dire qu’il n’y a plus de juste milieu et que nous sommes sommés de prendre position : aimer BELMONDO jusque dans ses défauts ou le détester malgré ses qualités.

Alors oui, la modération dans les opinions aussi, c’était mieux avant.



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