Le Centrafrique est un pays qui connait de nombreuses crises depuis 2003. Voici plusieurs mois que les tensions intercommunautaires au sein du pays, entre chrétiens et musulmans, laissent présager ce qui ressemble à un génocide. Face aux meurtres et aux exactions de plus en plus nombreuses de la part des deux camps, l’Organisation des nations unies (ONU) envisage un recours dans les prochains jours. La France, ancienne puissance coloniale, s’interroge aussi sur une éventuelle intervention.
Depuis mars 2013, en Centrafrique, des bandes de combattants armés, majoritairement musulmans, de l’ancienne Séléka (coalition centrafricaine d’opposition), pillent le pays. Livrés à eux-mêmes, ces rebelles dépouillent le pays à majorité chrétienne, n’hésitant pas à commettre des attaques à main armée voire des meurtres. La population y voit des actes de djihad, d’autant que les rebelles d’origines congolaise ou tchadienne sont rejoints par des miliciens maliens et nigérians. La minorité musulmane (10%) tend à être associée aux islamistes donc persécutée par une population excédée par la pauvreté et les exactions, avec la violence de leurs agresseurs. Le secrétaire des Nations unies, BAN Ki Moon, s’inquiète. Le Congrès américain en vient à parler de « pré-génocide ». La France réfléchit à une intervention, par la voix de Laurent FABIUS, ministre des Affaires Étrangères, qui annonce que le « pays est au bord du génocide » et dans un « désordre absolu« . François FEISSONA, diplomate centrafricain rattaché à l’ambassade de France, joint au téléphone, nous rappelle que « l‘ambassade déconseille tout voyage dans le pays et appelle sa population à la prudence« .
L’amitié franco-centrafricaine au cœur du problème
Les relations entre ces deux pays expliquent la gravité de la décision d’intervenir. C’est la France, qui depuis l’indépendance de la République Centrafricaine, fait et défait les chefs d’État centrafricains. L’exemple le plus symbolique est celui du général BOKASSA que la France va laisser devenir empereur du Centrafrique en 1977 avant de le destituer en 1979. Le pays des droits de l’Homme n’a pas réagi lors du coup d’état de François BOZIZÉ. Il ne s’est pas montré plus réactif lors de la destitution de cet homme, sous le coup d’un mandat international depuis le 29 mai 2013. La France compte 1250 ressortissants et 420 soldats présents sur place « en appui« , dans une base française située à Bangui. Le Président HOLLANDE réfléchit à l’éventualité d’envoyer 280 soldats supplémentaires. Il annonce « vouloir agir vite » et demande à l’ONU de mobiliser l’Union africaine. Enfin, la France doit stratégiquement contrôler ce pays pour sa sécurité intérieure, car il pourrait devenir une des futures plaques tournantes du terrorisme en Afrique. François FEISSONA, nous explique : « Plusieurs centaines de djihadistes maliens se trouveraient en effet dans le pays, selon le gouvernement centrafricain. Ils participent à la confusion générale. » La France se propose donc d’assurer un soutien logistique à une participation de l’ONU, qui envisage d’envoyer jusqu’à 6000 hommes afin d’assurer la paix dans la région. « Tous veulent éviter un nouveau Rwanda. »
carte du Centrafrique pour http://www.wikipedia.org
Un État en crise
Le Centrafrique est un état africain, globalement enclavé, assis sur un centre de tensions géopolitiques importantes. Sa croissance de 2 % est absorbé par la guerre et il ne profite qu’à la capitale. Le pays se situe sur la ligne de frontière africaine entre chrétiens (80 % de la population aussi bien catholiques que protestants) et musulmans (10 % des Centrafricains). Il est peu centralisé et ses frontières ne sont pas contrôlées. Les rebellions des différents pays l’entourant y sont souvent refoulées lorsqu’elles sont vaincues : au Cameroun, au Tchad, au Soudan, au Congo, au Nigéria… Ainsi, on retrouve dans l’Ouest du pays aussi bien des éléments de Boko Haram (secte musulmane) que des francs-tireurs de l’armée de résistance du Seigneur (groupe rebelle chrétien) qui se déchirent actuellement. François FEISSONA se montre pessimiste quant à l’avenir du pays : « L’ONU avait prévu un plan de centralisation de l’État pour 2015. A cause de cette rébellion, tout est remis en cause car l’État s’est déstructuré. »
Les religions en Centrafrique sont mieux visibles sur cette infographie.
Une histoire chahutée
De 2004 à 2007, le Centrafrique va connaître une guerre civile entre le camp du militaire qui a pris le pouvoir en 2003, le général François BOZIZÉ, et des rebelles centrafricains, partisan de l’ancien régime et de l’ancien Président. En avril 2007, un accord de paix est signé entre le gouvernement centrafricain et ces rebelles. Il doit aboutir, selon un texte signé en 2008, à une amnistie générale, à une réconciliation nationale symbolisé par un gouvernement d’union et à la planification de plusieurs élections (locales en 2009, parlementaires et présidentielles en 2010). Mais les rebelles reprennent ponctuellement les armes, à chaque fois arrêtés par les armées françaises et tchadiennes. En août 2012, l’ensemble des opposants politiques du président François BOZIZÉ se réunit dans une coalition appelée Séléka. Ils ont une branche armée composée de rebelles et de mercenaires, souvent issus de rebellions voisines et désireux d’en découdre. Le 10 décembre 2012, ils prennent la lutte. Ils vont prendre le pouvoir le 23 mars 2013 et renverser le Président François BOZIZÉ. C’est leur chef, Michel DJOTODIA, dirigeant du parti UFDR (Union des forces démocrates pour le rassemblement), qui va alors se substituer au Président centrafricain. Mais le pays reste incontrôlable et non-gouverné. « Seule la capitale, Bangui, est effectivement contrôlée par le nouveau pouvoir », ajoute François FEISSONA. « La mission de l’ONU, avec ou sans la France, sera donc longue et difficile. »
Pour mieux comprendre l’Histoire de ces dix dernières années, voir la chronologie.
Olivier VAGNEUX


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